Fabian MARTIN: Valorisation des invendus consommables aux associations caritatives en matière d’aide alimentaire
24/01/2013 17:00
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs les membres du Collège,
Chers collègues Conseillers,
Mesdames et Messieurs,
La crise économique et financière frappe durement notre pays, notre région. Notre Ville n’est malheureusement pas à l'abri de ce terrible constat à tel point que l'on peut affirmer que, si notre population en souffre à des degrés divers, une grande majorité de nos concitoyens n'est pas épargnée. C’est un fait, la crise accentuela pauvreté. Lagrande enquête publiée par le journal « Le Soir », qui a brossé pendant plusieurs jours l’étendue du phénomène des nouveaux pauvres, conduit à ce constat accablant : entre 2009 et 2011, le nombre de personnes à risque de pauvreté ou d’exclusion dans notre pays a augmenté de quelque 160.000 unités, pour atteindre les 2,3 millions …
Un nombre croissant de familles doit faire face plus durablement à des soucis matériels et financiers de plus en plus importants. Se nourrir, se vêtir, se chauffer, se soigner, ses besoins premiers et vitaux, deviennent de véritables combats quotidiens.
Un constat majeur est souligné à travers les résultats d’une étude récente de la Fédération des CPAS (Constat à partir duquel reposera le sens de mon intervention). Il démontre que, quantitativement, les personnes en situation de précarité ne mangent pas à leur faim et que, qualitativement, elles n'achètent que les biens abordables sur le marché au risque d'aller vers des carences nutritionnelles graves.
Pire, des gens s’endettent pour payer des biens ou services de première nécessité, comme l’alimentation, le chauffage ou encore l’électricité.
Le Président du CPAS, Philippe Defeyt, tenait à souligner lors de sa séance de vœux, qu’à Namur de plus en plus de personnes sont aidées. Les statistiques sont sans appel : le nombre de dossiers traités par le CPAS de Namur est en constante évolution. Il pourrait naturellement mieux que moi vous brosser le tableau actuel particulièrement inquiétant. Retenons juste qu’en 2012, la moyenne des dossiers de revenu d’intégration sociale (pour des personnes inscrites sur le territoire administratif de la commune) était de 2219 (près de 3% de plus que l’année précédente). Dans la même dynamique, les étrangers aidés (avec une participation du fédéral) représentaient près de 557 dossiers.
L'hiver qui s’est installé tardivement à nos portes dévoile chaque jour de nouvelles situations d'un anonymat pudique qu'il faudra suivre et gérer dans le temps.
Sur le terrain et particulièrement lors des dernières actions solidaires de Noël cordonnées par l’associatif namurois - et auxquelles je participe activement - cette détresse sociale se mesure avec autant d’ampleur, frôlant constamment les limites du supportable … Des enfants, des jeunes, des aînés, des familles entières, des personnes isolées … aucune catégorie n’est épargnée. Le nombre particulièrement croissant de jeunes et de couples avec enfants est alarmant !
Et soudain apparaît ce sentiment que nous pourrions nous aussi un jour connaître ces mêmes difficultés, les mêmes accidents de la vie comme la perte d’un emploi,la maladie. Cesépreuves qui vous amènent inévitablement à devoir être aidé. Fort heureusement la chaleur des liens humains conjugués aux gestes solidaires posés apportent aux travailleurs sociaux et aux centaines de bénévoles des associations, les apaisements nécessaires pour continuer à avancer …
Nos services sociaux (communaux ou du CPAS), dont on peut relever ici le travail précieux qu’ils apportent au quotidien, sont de manière constante surla brèche. Sansêtre de mauvais augure, ni populiste, mais juste réaliste, ils seront de plus en plus sollicités avec des ressources et des moyens d'action contenus en matière budgétaire.
Fort heureusement, nos associations caritatives namuroises telles que « Le Resto du Cœur de Namur » ; « La Société Saint-Vincent de Paul/La Main Tendue » ; l’asbl « Banque alimentaire des Provinces de Namur et de Luxembourg » … et bien d’autres encore - présentes sur le terrain sont, on le sait, irremplaçables dans l’aide alimentaire qu’elles apportent au quotidien à nombre de nos concitoyens. Elles constituent un véritable second réseau de distribution alimentaire.
Nous avons la responsabilité politique de les épauler dans les missions qu’elles accomplissent tant elles sont nécessaires et complémentaires aux actions de notre service public. En matière de cohésion sociale, la Déclaration de politique générale du Collège communal stipule d’ailleurs très clairement vouloir « Faire du lien entre chacun la condition du bien-être de tous », mais encore plus précisément que « La Ville encouragera les initiatives visant à développer une plus grande attention mutuelle entre les citoyens … »
Avec l'initiative soumise à votre approbation aujourd’hui par ma voix au nom du groupe socialiste, la Ville pourrait apporter un nouveau franc soutien envers les initiatives portées par nombre d’associations caritatives en matière d’aide alimentaire. L’idée générale est d’augmenter le volume de denrées reçues en prévoyant à travers le permis d'environnement accordé aux grandes surfaces, une clause particulière qui vise à limiter le gaspillage alimentaire et parallèlement, augmenter l’aide aux associations caritatives qui se chargent au quotidien de la redistribution.
En effet, l’aberration de notre société de consommation atteint ici son paroxysme. Alors que de plus en plus de personnes éprouvent des difficultés à se nourrir, dans le même temps, les grandes surfaces jettent des invendus alimentaires encore consommables.
2,3 millions de tonnes, c’est le total des pertes alimentaires en Belgique dans l’industrie alimentaire (grandes surfaces) !!!
Et dans le contexte sociétal difficile que je viens d’évoquer, ce gaspillage alimentaire qui se passe naturellement à plusieurs niveaux, il est assez interpellant de relever qu’il ne représente pas moins de 175kg de déchets par an et par habitant.
Même au niveau local, la réduction de ce gaspillage n’est pas seulement une exigence éthique (au regard du nombre de citoyen qui dépendent de l’aide alimentaire), elle est aussi un impératif environnemental !
La Directive européenne 2008/98/CE établit un cadre juridique pour le traitement des déchets au sein de la Communauté européenne, en visant à protéger l’environnement et la santé humaine par la prévention des effets nocifs de la production et de la gestion des déchets.
Afin de protéger au mieux l’environnement, pour le traitement des déchets, cette Directive établit, la hiérarchie suivante qui s’applique par ordre de priorités :
- la prévention (ne pas créer de déchet);
- le réemploi;
- le recyclage;
- la valorisation, notamment énergétique;
- l’élimination.
Cet ordre de traitement de déchets est aujourd’hui contraignant au niveau régional wallon puisque la Directive fut transposée en Décret wallon le 10 mai 2012. En d’autres termes, elle préconise la mise en place de mesures en vue de renforcer cette hiérarchie dans le traitement des déchets.
C’est donc au nom de cette Directive que notre Ville pourrait imposer aux supermarchés présents sur notre territoire le don des invendus alimentaires encore consommables aux associations caritatives d’aide alimentaire. A l’heure actuelle, l’organisation du don des invendus alimentaires dans les grandes surfaces repose uniquement sur une démarche volontaire (et donc non contraignante) alors que nos associations namuroises caritatives d’aide alimentaire sont parfaitement organisées pour recevoir et redistribuer rapidement ces invendus consommables auprès des démunis, dans le respect des normes actuelles en matière d’hygiène et de sécurité alimentaire.
Plus précisément, une mesure concrète allant en ce sens pourrait être prise localement lors de la délivrance du permis d’environnement d’une grande surface. Une clause particulière en vue de limiter le gaspillage alimentaire et d’aider les associations caritatives qui se chargent de la redistribution des denrées au quotidien pourrait y être ajoutée. C’est concrètement la proposition de délibération que nous soumettons ce soir à votre approbation.
En effet, le décret wallon du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement a notamment pour objectif de contribuer à la gestion rationnelle des déchets.
L’article n°65 § 1er stipule que l'autorité compétente pour délivrer le permis d'environnement en première instance peut, sur avis du fonctionnaire technique et des instances désignées par le Gouvernement, compléter ou modifier les conditions particulières d'exploitation.
La motivation formelle de cet acte administratif que constitue un permis d’environnement repose entièrement sur la législation environnementale, même si les conséquences sociales de cette décision sont, vous l’aurez compris, évidentes et contribuent à la lutte contre la pauvreté.
En effet, l’objectif non dissimulé est que les invendus consommables soient systématiquement proposés à une association caritative avant de partir vers toute autre filière d’élimination.
Tout comme la commune d’Herstal qui a utilisé ces réglementations existantes dans un but social, Namur, Capitale de la Wallonie, pourrait elle aussi, en empruntant le même chemin, apporter une réponse à une question de justice sociale en ces temps de crise : le don de denrées alimentaires consommables non périmées aux plus précarisés de notre Ville !
Mesdames, Messieurs, Chers Collègues, si nous présentons ce projet aujourd’hui, c’est parce qu’il y a urgence enla matière. Eneffet, localement, je peux vous confier pour ne citer qu’un exemple que le Resto du cœur de Namur n’a plus rentré aucun légume depuis plus de deux semaines …
A ce sujet, le Directeur de la Fédération des Restos du cœur a souhaité lancer un cri d’alarme face au projet d’abaissement du budget alloué par l’Europe au programme d’aide alimentaire aux plus démunis. Les Restos du Cœur (et plus particulièrement celui de Namur pour ne prendre que cet exemple) n’ont jamais été aussi fréquentés. La situation pourrait d’ailleurs encore se détériorer. Il confie, je cite : « Si cette mesure européenne de réduction budgétaire, annoncée depuis deux ans, venait à s’appliquer, ça serait une catastrophe humanitaire … », un avis que nous partageons naturellement.
Dans ce contexte, nous aurons tous bien compris que le geste que nous pouvons poser aujourd’hui lors du vote de ce point, dépasse le symbolique et qu’il pourrait être une garantie de survie dès demain pour nombre de namurois. J’espère que vous nous suivrez dans cette démarche solidaire qui dépasse à mon humble avis tous les clivages politiques …
Je vous remercie pour votre attention … autant que ce sujet me touche personnellement tant il occupe au premier plan mon engagement hier citoyen et aujourd’hui politique. Et je suis particulièrement heureux que ce combat ait pu faire l’objet de ma toute première intervention politique …
Fabian MARTIN
Conseiller communal
Groupe PS